C’est l’un des paysages les plus spectaculaires de la côte Atlantique, un colosse de sable qui attire chaque année plus de deux millions de visiteurs. Mais la dune du Pilat, située à l’entrée du bassin d’Arcachon, est aujourd’hui au cœur de toutes les inquiétudes. Entre montée des eaux, tempêtes à répétition et recul du trait de côte, ce site naturel emblématique subit de plein fouet les effets du changement climatique.
Une altitude en chute libre
La dune du Pilat n’a jamais été aussi basse depuis 2009. Selon les données publiées en janvier 2025 par l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine (OCNA), son point culminant atteint désormais 101 mètres d’altitude, soit une perte de 2,6 mètres en un an. Cette mesure, effectuée chaque printemps depuis 1998, traduit l’impact direct de l’érosion marine et des aléas météo. L’hiver 2023-2024 a été particulièrement rude : quatre tempêtes se sont succédé entre octobre et novembre 2023, avant la tempête Karlotta, les 10 et 11 février 2024, identifiée comme « la tempête la plus marquante de l’hiver 2024 en termes d’érosion marine ».
Outre les vents violents et les marées puissantes, l’OCNA évoque également un autre facteur aggravant : l’intensité de l’énergie des vagues. L’hiver 2023-2024 se classe au troisième rang des hivers les plus intenses enregistrés en Nouvelle-Aquitaine depuis 2008-2009. Résultat : la dune se tasse, s’étale, et continue sa lente progression vers l’intérieur des terres sous l’effet des vents dominants d’ouest.
Un paysage qui se transforme… et inquiète
Au sommet de cette montagne de sable longue de près de trois kilomètres, le panorama reste saisissant. Océan Atlantique, forêt de pins et cap Ferret s’offrent aux visiteurs après l’ascension d’une centaine de marches. Pour beaucoup, la dune garde son pouvoir de fascination. « C’est en France, mais malgré tout exotique ! », s’émerveille Julie, touriste bretonne interrogée par l’émission Sept à Huit. Pourtant, en contrebas, la réalité est bien plus sombre pour ceux qui vivent et travaillent à l’ombre de la dune.
Franck Couderc, gérant du célèbre camping Les Flots Bleus, observe avec inquiétude les mouvements du sable. « Cette année, on a perdu au moins cinq mètres sur toute la largeur du camping », constate-t-il. Des arbres, parfois des chênes de plus de 30 mètres de haut, ont été ensevelis. « C’est impressionnant, des chênes de 30 mètres se sont fait avaler. C’est incroyable. Tu te dis qu’avec le poids de la dune, ils vont se coucher. Mais non, ça se referme dessus. »
Pour continuer à accueillir des vacanciers, il doit déplacer ses mobilhomes vers l’intérieur. Une stratégie d’adaptation contrainte, car l’avenir semble incertain. « Pour moi, un jour, la dune va arriver à la route. Après la route, il y a un grand dénivelé, donc elle va tomber dedans et il n’y aura plus de dune du Pilat telle qu’on la connaît aujourd’hui. » Les experts estiment que, dans le pire des cas, les campings du secteur pourraient disparaître d’ici une dizaine d’années.
Des tentatives de sauvegarde
Face à cette urgence, les autorités locales tentent de réagir. Depuis janvier 2025, le Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (Siba) a engagé des travaux de consolidation sur la digue du musoir, située à la pointe de la dune, afin de limiter les effets des vagues. Ces aménagements doivent donner à l’ouvrage une forme plus arrondie, supposée mieux résister aux assauts marins. Par ailleurs, un réensablement progressif de la plage est prévu à partir de 2026, avec un horizon fixé à 2035 pour finaliser l’opération.
Ces efforts suffiront-ils à préserver ce géant de sable ? Rien n’est moins sûr. La dune du Pilat reste un monument mouvant, dont la fragilité nous rappelle combien la nature, aussi majestueuse soit-elle, peut être vulnérable. Pour les amoureux du site comme pour les professionnels du tourisme, le compte à rebours est lancé.