Jacuzzis privés, miroirs bien placés, mobilier suggestif… les « love rooms » fleurissent aux quatre coins de la France. Longtemps cantonnées à des niches confidentielles, ces chambres à la sensualité assumée connaissent un véritable essor depuis la pandémie. De Remiremont à Roanne, de jeunes entrepreneurs transforment des appartements en cocons érotiques, répondant à un besoin grandissant : raviver la flamme, sortir de la routine, et s’offrir une parenthèse intime à deux.
Une offre qui casse les codes de l’hôtellerie classique
Loin des hôtels standardisés, les love rooms revendiquent une proposition singulière : offrir aux couples une immersion totale dans l’univers du désir. L’éclairage tamisé, les miroirs, les draps en satin et les équipements bien pensés – comme le fameux siège tantra ou la balancelle – créent une atmosphère propice à l’éveil des sens.
« Il n’y avait pas d’ambiguïté, on est venus que pour le sexe », confiait au Parisien Sonia, mère de deux enfants, qui a offert à son mari une nuit dans une love room à quelques kilomètres de chez eux. Une expérience préparée avec excitation : « On en parlait depuis plusieurs semaines, c’était assez excitant d’y penser, puis de se préparer comme pour un rendez-vous galant, mais avec celui qui partage ma vie depuis dix ans », raconte-t-elle en riant. Champagne, jolie lingerie, jacuzzi dans la chambre… pour elle, l’objectif était clair : « Le but était de se retrouver tous les deux, sans autre raison qu’un moment sensuel un peu spécial, quelque chose qui existe moins facilement dans le quotidien. »
Un marché en plein boom depuis le Covid
Selon Jérôme Forget, spécialiste du marché des locations indépendantes, la tendance explose depuis la fin des confinements. « Avant 2020, il n’y avait qu’une dizaine de biens de ce type, très connotés sexuellement. Aujourd’hui, on en retrouve plus d’un millier sur l’ensemble du territoire », constate-t-il dans un entretien au Parisien. Une envolée qui s’explique par une envie de dépaysement intime, mais aussi par la rentabilité potentielle de ces hébergements atypiques.
À Remiremont, dans les Vosges, Jessica et Raphaël De Abreu ont ainsi lancé Le Spa de la Quarterelle, un studio transformé en nid romantique. Si l’ouverture a suscité quelques critiques – le logement se trouve dans une ancienne résidence religieuse –, le scepticisme s’est vite éteint. « Les voisins ont constaté que les clients sont des gens polis, discrets, qui viennent juste passer une soirée en amoureux », explique Raphaël.
Les plateformes généralistes comme Airbnb ou Booking référencent désormais ces logements à la thématique assumée, mais plusieurs sites spécialisés ont aussi vu le jour (LoveRoomers, Nuit d’amour…). Un écosystème se structure autour de cette nouvelle forme de tourisme de l’intime.
L’expérience d’un lâcher-prise total
À Roanne, Marie et Didier ont fait du créneau « coquin » leur spécialité. Le couple gère deux love rooms baptisées Plaisir des sens et Plaisir extrême, des espaces où tout est pensé pour libérer l’imagination des hôtes : lit rond, barre de pole dance, cage métallique, clips sensuels sur l’écran, et même des coffrets de jeux érotiques en option.
« Ce film a d’ailleurs été un élément déclencheur et a permis de casser le tabou. Beaucoup de personnes se sont finalement dit : “Pourquoi pas oser ?” », analysent-ils pour Le Pays, en évoquant le succès de 50 nuances de Grey. La clientèle, variée, va des couples mariés depuis longtemps aux jeunes duos curieux d’expérimenter. « Cela permet aux gens de sortir de la routine, de leur apporter un peu de piment dans leur quotidien, de lâcher prise, de se redécouvrir. »
L’accueil se veut chaleureux et attentionné : champagne frais, pétales de rose, petit-déjeuner… L’objectif est clair : proposer une expérience haut de gamme, sans vulgarité ni malaise. « Il n’y a pas de côté malsain comme certains peuvent le penser. Tant que le respect est là, c’est ok. Ils sont libres de tester ou pas les accessoires et peuvent aller à leur rythme en fonction de leurs envies », précisent les propriétaires.
Entre érotisme chic et questions éthiques
Si l’expérience est pensée comme un cocon, la professionnalisation du secteur soulève aussi quelques interrogations. Certaines municipalités ou syndics de copropriété expriment des inquiétudes face à ce qu’ils perçoivent comme une « marchandisation de l’intimité » dans des zones résidentielles. Pour les hôtes, la discrétion est donc une exigence : pas de fête, pas de va-et-vient bruyant, et une vigilance particulière contre les dérives.
Comme le confie une gérante : « On vérifie aussi qu’un même homme ou une même femme ne vienne pas trop souvent pour éviter la prostitution dans notre chambre d’hôtes. »
De leur côté, les plateformes spécialisées renforcent leurs filtres et leur communication autour du consentement et du respect mutuel, cherchant à normaliser ces offres sans les associer à une image sulfureuse.
Une forme de tourisme intime qui pourrait durer
La love room répond à plusieurs tendances de fond : individualisation des séjours, quête d’émotions fortes, besoin de reconnexion au sein du couple. En France, où les week-ends à thème et les escapades locales sont en plein essor, ce segment pourrait bien s’inscrire durablement dans le paysage touristique.
Certains établissements franchissent même un cap, en proposant des parcours sensoriels, des ateliers tantriques, voire des packages bien-être autour de la sexualité consciente, inspirés des pratiques nordiques ou asiatiques.
Pour les couples, la love room n’est plus un tabou, mais un outil de complicité assumé. Et pour les professionnels du tourisme, un nouveau terrain de créativité… et de rentabilité.